Contribution :
Quel avenir pour les groupes paritaires de protection sociale ?
PUBLIÉ LE 19 Janvier 2021
Suite à la parution de La Lettre de l’Assurance du 18 janvier, deux lecteurs ont souhaité poursuivre le débat sur le sujet des groupes de protection sociale, abordé en une de cette édition. Voici leurs constats.
« Plus largement, il en va de l’avenir des GPS » (groupes paritaires de protection sociale), écrit La Lettre de l’Assurance dans la Une de son édition diffusée le 15 janvier 2021 consacrée au renouvellement de la gouvernance d’AG2R La Mondiale.
« Rien n’indique que l’avenue Bosquet ait un plan », écrit-elle également.
Au-delà de l’avenir d’AG2R La Mondiale, sans doute est-ce le moment d’approfondir et d’élargir la réflexion sur l’avenir des IP (institutions de prévoyance paritaires) et des GPS, en amont des positions qu’auront à prendre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics.
En soi, le sujet n’est pas neuf. Les anciens se souviendront qu’il y a vingt ans, la perspective était que progressivement le pôle de la retraite complémentaire Agirc-Arrco des GPS, alors en cours d’unification, s’éloignerait, et que le pôle assurances de la personne organisé autour des IP, probablement non viable en dehors des branches sans la retraite complémentaire, rejoindrait le secteur concurrentiel. Plus récemment, et même si elle est provisoirement suspendue, la réforme des retraites repose la question de la structuration des GPS et de l’avenir de près de la moitié de leurs salariés ; le HCAAM, dans son rapport de janvier 2021, pose par ailleurs clairement la question des évolutions possibles de la complémentaire santé et donc de l’avenir des assureurs santé.
Au cours des 75 ans écoulés depuis la mise en place du système actuel en 1945, le monde a changé. La protection sociale s’est étendue et uniformisée : généralisation de la retraite complémentaire à tous les salariés, unification des régimes Arrco, et fusion Agirc-Arrco. L’ANI a généralisé la couverture des salariés en complémentaire santé, et la définition de paniers de soins et de contrats responsables a rapproché les prestations. La mise en place du 100% santé a fait franchir une nouvelle étape à la convergence des offres des opérateurs de santé.
Au plan des institutions et pour ce qui concerne les GPS, les accords de 2009 ont permis aux partenaires sociaux de piloter la concentration des groupes. L’entrée en vigueur de Solvabilité II en 2016 a été accompagnée de la création ou du développement d’organisations nouvelles (SGAM, SGAPS, UMG) permettant de regrouper des entreprises d’assurances non fongibles du fait de la réglementation.
Le système semble à présent toucher sa limite, du moins pour ce qui concerne les acteurs interprofessionnels. La lourdeur de la gouvernance et de la gestion institutionnelle de ces groupes de l’économie sociale devient un handicap par rapport aux sociétés de capitaux. Trouver des administrateurs pour cette responsabilité bénévole est de plus en plus difficile. La réalité de la capacité des administrateurs à contrôler les risques de groupes aussi complexes est questionnée par l’accident Humanis. L’éventuelle responsabilité des administrateurs ou de leurs mandants inquiète : que ce serait-il passé s’il n’y avait pas eu d’adosseur pour Humanis ou pour B2V ? Que se passerait-il si un jour un très grand groupe interprofessionnel connaissait le sort d’Humanis ou du Crédit Lyonnais ?
La viabilité dans la durée de ces assemblages apparaît incertaine, en témoignent les sorties de GPS de mutuelles 45. Comment assurer durablement la compatibilité des gouvernances, quand on voit l’échec de tentatives de rapprochement ou même de rapprochements entre grands groupes comme MALAKOFF-MÉDÉRIC et LA MUTUELLE GÉNÉRALE, et AG2R LA MONDIALE et MATMUT ? Plus largement se pose la question de rendre plus facile la poursuite de la concentration du secteur de l’assurance. Si les IP peuvent contrôler des sociétés de capitaux, celles-ci ne peuvent contrôler des IP, et on peut s’interroger sur l’avenir de KLÉSIA PRÉVOYANCE suite aux accords signés avec le groupe GENERALI.
Sans doute le moment est-il venu de construire cette « nouvelle ère », comme le dit La Lettre de l’Assurance.
Pour alimenter la réflexion, de premières pistes seront proposées dans de prochaines contributions, fruits de réflexions et d’échanges conduits avec diverses parties prenantes depuis l’engagement du projet de réforme des retraites : tant les besoins d’évolution des groupes que la perspective de réforme des retraites, même différée par la Covid 19, créent à présent une urgence.
Régis DE LAROULLIÈRE, conseil en stratégie et gestion des risques, ancien directeur général de MÉDÉRIC, et
Hugues DU JEU, consultant indépendant, ancien directeur général délégué de MALAKOFF MÉDÉRIC.
Lire la partie suivante : Permettre la transformation en Société d’Assurance Mutuelle pour les IP et Mutuelles : une voie d’avenir pour les Groupes Paritaires de Protection Sociale ?
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