PORTRAIT :
Fabrice Heyriès,
intérêt public et accent général
PUBLIÉ LE 27 Juillet 2024
Fabrice Heyriès, directeur général de la MGEN, sera l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 5 septembre 2024.
Il était déjà venu se prêter à l’exercice le 15 juin 2021, et son portrait avait été réalisé en mai 2021. Le voici.
C’est devenu une habitude, le rendez-vous se fait à distance, mais pas seulement en raison de la crise sanitaire, une erreur d’agenda étant venue semer le trouble. Par téléphone, donc, il faut imaginer les sourires et les sourcils froncés. Coup de chance, Fabrice Heyriès rit volontiers et répond aux questions en y ajoutant détails et second degré.
Fabrice Heyriès est né le 18 février 1969, à Sisteron, dans les Alpes-de-Hautes-Provence (04), « une région rurale, le début des Alpes », détaille-t-il. Voilà pour l’accent.
Sa mère est enseignante, comme une partie de sa famille, ce qui lui fait dire que « la MGEN a été mon premier assureur ». Esprit vif, Fabrice Heyriès manie l’humour et le second degré à l’envi.
Il grandit dans cette ville « enclavée » en imaginant la suite.
L’actuel directeur général de la MGEN se décrit comme « un élève sérieux, appliqué et timide, plutôt un matheux. Ma mère était professeure dans le même établissement ». Toutefois, les études ne sont pas vraiment une passion. « J’ai toujours considéré que les études n’étaient pas quelque chose de drôle, mais plutôt un bon moyen de se rendre les choses plus faciles par la suite. Moi ce que je voulais, c’était travailler ».
Travailler oui, mais avec un marqueur fort : « je voulais servir l’intérêt général d’une manière ou d’une autre. Adolescent, je me voyais militaire, et plus particulièrement pilote. Mais ça s’est envolé avec le temps… », se souvient Fabrice Heyriès.
« Mes parents n’avaient pas la moindre idée de la bonne orientation, ce sont les hasards de la vie qui m’ont fait suivre ce cursus ». Les hasards mais aussi des choix, bien sûr.
Après le bac, il s’inscrit à deux concours, très différents, mais assez loin de Sisteron.
« Les concours avaient lieu le même jour : Sciences Po à Aix et le concours d’entrée à l’école des officiers de la Marine Marchande, à Marseille. J’avais des copains qui s’étaient inscrits à ce concours, et ils étaient très enthousiastes, j’avais suivi le mouvement » explique-t-il. On lui demande s’il avait un attrait particulier pour la mer ou la navigation : « Rien de tout cela, c’est parce que l’école était à Marseille ! J’étais plutôt scientifique et, vous savez, quand on grandit à Sisteron, on peut avoir la bougeotte, le goût de l’aventure. C’est très très enclavé Sisteron… J’aurais très bien pu être capitaine de pétrolier aujourd’hui », lâche-t-il dans un grand rire.
Il choisit finalement d’aller à Aix, entre à Sciences Po et y trouve une première réponse à ses attentes, tant sur l’apprentissage des politiques publiques que sur un plan plus personnel.
« J’ai très bien vécu mon départ de Sisteron. Il n’y avait pas grand monde… C’est rude, il y fait froid en hiver et chaud l’été. C’est bien pour les parisiens qui y passent ! », s’amuse-t-il encore.
Même si les études relèvent plus du passage obligé que d’une passion, Fabrice Heyriès commence à trouver des perspectives professionnelles. « Sciences Po accentue l’intérêt pour la chose publique. Mais on l’idéalise un peu. Dès ce moment là, je me suis dit que je travaillerai toujours dans la fonction publique. À des postes divers car l’avantage du secteur public, c’est qu’on peut changer de poste très régulièrement, ça ne choque personne. Dans l’entreprise, c’est plus compliqué. Quand on est dans une filière métier, comme les RH ou la finance, c’est très difficile d’en sortir. »
Partir pour sortir
Diplômé de l’IEP et en droit, il passe les concours de l’administration et va (enfin) rejoindre le monde du travail, sans savoir ni où, ni à quel poste. Beaucoup de nouveautés et autant de révélations à venir pour le jeune homme.
Il est pris dès son premier concours au ministère de l’Intérieur et plus précisément la Préfecture de Police de Paris, sur des sujets juridiques liés « aux expulsions locatives, de l’insalubrité des immeubles et les questions du mal logement à Paris. C’était l’époque des campements dans Paris, au début des années 90. On était entre le régalien et le social. Je n’avais pas du tout touché au social, c’était intéressant ».
Surtout, Fabrice Heyriès rejoint Paris et est tout de suite conquis. « Dès que je suis arrivé à Paris, ça m’a plu. J’ai connu beaucoup de jeunes provinciaux, arrivés comme moi, qui ont su dès les premiers mois s’ils resteraient ou pas. J’en ai d’ailleurs connu beaucoup qui sont repartis dans le Sud presque tout de suite. Mais travailler à Paris, je ne souhaite rien d’autres », explique-t-il sans ambages. Même s’il reconnaît qu’avec le temps, « la nature me manque ». « J’ai passé 20 ans dans Paris sans me poser la moindre question puis il y a quelques années, nous avons acheté une maison dans l’Yonne, dans un coin très rural et j’y vais le plus souvent possible. »
Il regrette d’ailleurs de ne pas avoir passé le premier confinement à la campagne.
Au ministère de l’Intérieur, il fait un peu de tout : des ressources humaines, de la finance.
Toujours animé par l’intérêt général et des ambitions de carrière, Fabrice Heyriès passe l’Ena. Il part ensuite à la Cour des comptes, et s’y plaît. « Par le hasard des affectations, j’ai été placé auprès de Philippe Seguin, qui avait réintégré la Cour des comptes à la fin de sa carrière politique ». Attaché à la 5e chambre, la chambre sociale, il en garde de bons souvenirs et perfectionne encore sa connaissance sociale. « Nous avions fait notamment un rapport sur l’immigration en France, sur l’accueil des immigrés. Il avait des idées personnelles, des convictions sur le sujet, c’était très intéressant. Et quand il est devenu premier président, j’ai travaillé pour lui plus personnellement. »
À propos de Philippe Seguin, il résume avec un sourire : « c’était un personnage très attachant, attachant et exaspérant ».
Le mouvement dans la sphère publique fait partie de la carrière. Après quatre ans à la Cour des comptes, Fabrice Heyriès aimerait prendre la tête d’une administration. « J’avais envie de quelque chose de plus actif. C’était la présidentielle de 2007. J’ai eu la possibilité d’aller dans plusieurs cabinets ministériels. J’ai fait un truc super, que je ne regretterai jamais ! », annonce-t-il.
Cabinet de curiosités
Il choisit le ministère du travail et de la solidarité, avec Xavier Bertrand comme ministre. « J’ai été recruté par quelqu’un que je connaissais très bien, j’avais été en stage avec lui, c’était un ami : Jean Castex », lâche-t-il avec un certain sens du suspense.
Malgré la distance de cet entretien par téléphone, Fabrice Heyriès parle avec une certaine joie et émotion de ces deux années à travailler avec « Xavier comme ministre et Jean comme directeur de cabinet. J’ai été conseiller budgétaire, conseiller social puis directeur adjoint ». Sur cette expérience, il garde le meilleur.
« Je ne cherchais pas à aller en cabinet. D’ailleurs Jean Castex avait passé de longues années sans faire de cabinet et il m’avait poussé plutôt dans les administrations opérationnelles, ce que j’avais envie de faire. Et le hasard… C’est lui qui m’a appelé pour le rejoindre. J’y ai passé de très bons moments, mais ce n’est pas le meilleur moment de ma vie. Je l’ai eu après. »
Le cabinet Bertrand reste un très bon souvenir, avec une vraie cohésion, une vraie solidarité. Cette première immersion dans le monde politique le laisse plus circonspect : « le monde politique est décevant ». « Travailler avec les politiques est naturel quand vous voulez développer votre carrière. Il n’y a pas d’autres possibilités. Que ce soit en cabinet ou pour diriger une administration, vous êtes en lien avec des ministres. Ce n’est pas pour ça que vous êtes politisé, on a simplement une sensibilité qui nous amène à servir plutôt sous un mandat ou un autre. Mais je vous rassure, il y a des ‘stars’ de tous les côtés », rit-il franchement.
L’après cabinet, pour Fabrice Heyriés, c’est la direction des affaires sociales. Il devient directeur général et prend la tête de la direction de la cohésion sociale. « J’arrive à la tête d’une administration qui sort des textes, qui gère des crédits, en lien avec les collectivités locales. Là, on est dans l’actualité tout le temps. L’administration était très marquée politiquement, très à gauche alors que moi je venais d’un cabinet Sarkozy… C’était quand même assez amusant », résume-t-il.
Chasse et nature
La fin de l’ère Sarkozy le pousse vers le départ. « La gauche arrivant, ils m’auraient sorti tout de suite, surtout pour une administration aussi emblématique ! Je n’avais pas envie de retourner à la cour des comptes… »
En 2011, il est chassé par Groupama. Il est séduit par la proposition du directeur général de l’époque, Jean Azéma, qui le veut à la direction des affaires publiques avant de l’envoyer dans les régions pour apprendre ce qu’est le groupe. « Ils me proposaient un parcours et pas seulement un poste. J’ai beaucoup hésité à l’époque, mais je me suis dit : pourquoi pas. »
Tout s’enchaîne assez vite. Quelques mois après, Jean Azéma est débarqué, un nouveau directeur général est nommé. Thierry Martel préférerait que Fabrice Heyriès reste au groupe, à la DRH, ce qu’il accepte.
Sur l’assurance, il pointe plusieurs particularités. « J’ai découvert un environnement très technique, mais je vois vite que nous sommes sur des vraies questions de société avec des produits que les pouvoirs publics auraient pu appeler ‘politique publiques’ : ce sont des produits de protection de la population », analyse-t-il.
Il compare également avec son expérience passée dans l’administration où « les équipes ont l’habitude d’avoir des patrons qui ne sont pas techniques, qui changent de métiers tous les 2-3 ans, qui surfent sur les problématiques. Dans l’assurance, ce n’est pas le cas. Les dirigeants sont eux-mêmes des experts. »
Après les RH, il ajoute le secrétariat général à ses prérogatives, puis prend la direction des finances de Groupama. Il devient enfin directeur général adjoint avant que la MGEN et VYV arrivent avec une nouvelle proposition. « J’ai tout de suite été séduit par le projet, c’est la jonction des deux mondes. Je pense que VYV cherchait un assureur, la MGEN cherchait un fonctionnaire », imagine-t-il avec le recul.
Pour ce choix comme pour tous les autres, Fabrice Heyriès est confiant.
« Aucun regret. Je suis d’un tempérament positif et joyeux, je ne suis pas du genre à regretter : je suis ravi de tous les choix que j’ai faits. J’aurais fait autre chose, j’aurais peut-être réussi, ailleurs aussi, on ne peut pas refaire l’histoire. »
Pour le week-end, il prend la direction de la campagne bourguignonne mais pas de Sisteron. « Je n’y ai plus d’attaches et je ne ressens pas de lien à la ville. Une page est tournée », confie-t-il.
« Le week-end idéal, c’est à la campagne, à jardiner avec ma femme et finir par un bon repas avec les amis, dans le jardin… un week-end dans lequel je ne me retrouve pas dans les bouchons au retour ! », s’amuse-t-il une dernière fois. Avant d’ajouter cette petite surprise : « si en plus le PSG a eu le bon goût de gagner, c’est vraiment un week-end idéal ». Dernière surprise de ce parisien à accent.
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