PORTRAIT :
Médéric Monestier,
le choix de faire
PUBLIÉ LE 7 Avril 2023
Médéric Monestier, directeur général du groupe MNH, sera l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 20 avril 2023.
Voici son portrait.
Dans une tour face aux voies de la gare de Lyon, à Paris, Médéric Monestier nous reçoit dans une salle de réunion sans fenêtre à deux pas de son bureau. En bras de chemise, nous le sentons dans l’analyse et la maîtrise. Les deux s’estompent peu à peu, au moment de se livrer pour un portrait riche en anecdotes.
Médéric Monestier est né le 9 mars 1968, « la plus belle des années », à Besançon « et j’avais un grand père horloger ».
Si sa famille est originaire de la ville, il ne grandit pas à Besançon. Son père est militaire, sa mère est directrice de Banque de France. Il compte rapidement et livre une estimation : « j’en suis à mon 24e logement je crois ».
C’est à côté de Strasbourg, en Alsace, qu’il reste le plus longtemps et qu’il fait « la plus grande partie de mes études ». Ce qui nous permet d’explorer la vie trépidante de Médéric Monestier élève…
« J’ai été, au départ… un élève… pas très assidu », déclare-t-il du bout des lèvres, « limite cancre, et je me suis révélé lors des mes premiers stages en entreprise. Là j’ai compris l’intérêt de faire des études, d’acquérir des compétences et des connaissances. Là, c’est parti ».
Dès la 6e, l’actuel directeur général de MNH entre en école militaire à Autun (71) d’où il sortira bachelier.
Il veut alors devenir pilote de chasse mais il découvrira en fin d’étude que ce ne sera pas possible : il est trop grand « J’avais travaillé la vue, les problèmes de dos, mais je n’avais pas fait attention qu’il ne fallait pas être trop grand. Il faut pouvoir ramener les jambes pour s’éjecter d’un avion », explique-t-il en mimant la scène. « Après, je me suis pas mal cherché et j’ai choisi d’aller vers ce que je faisais le mieux, c’est-à-dire des mathématiques ». Plutôt des mathématiques appliquées à la fin de ses études. « Ma spécialité à ma sortie d’école ce sont des choses au goût du jour maintenant : c’était l’intelligence artificielle, l’aide à la décision et la sécurité informatique. À l’époque ce n’était que des concepts. Les problématiques qu’on se pose aujourd’hui, ce sont celles qu’on imaginait à l’époque ».
Études de choix
Difficile de faire le lien avec le qualificatif de cancre qu’il a utilisé auparavant. Il détaille alors son internat…
« Jusqu’au bac, je fais le strict minimum parce que je suis un peu facile. Je suis quand même sorti avec deux ans de retard », confie-t-il. « Parce qu’en fait je faisais beaucoup d’autres choses à côté ». Peu intéressé par le lycée, Médéric Monestier est un touche-à-tout qui décrit une longue liste d’activité extra ou para-scolaires. « J’étais prof de plongée à 20 ans, je faisais du parapente, j’étais le responsable du bizutage, de l’association des anciens élèves, j’ai réorganisé le bal du lycée qui n’avait plus été fait depuis 40 ans… je faisais tout un tas de trucs, mais pas les cours », s’amuse-t-il franchement. Être aussi loin du cadre dans une école militaire peut surprendre et il raconte une anecdote à ce propos.
« L’année dernière (en 2022), j’ai présidé la cérémonie de fin d’année de l’école. Nous étions deux, un président militaire et un président civil. Le président militaire était le général des Sapeurs Pompiers de Paris. Il était propre sur lui, bel uniforme, super-élève…
En fin de cérémonie, le lycée nous a remis notre dossier complet et une fiche récapitulative avec, au dos, les punitions. Ils me l’ont remise en disant qu’ils ne feraient pas de commentaire ! », rit-il encore. « Je crois que j’ai tout de même laissé un bon souvenir, parce que je mettais beaucoup de vie dans l’établissement. Nous avions de nombreuses interactions avec les adultes pour faire vivre le lieu. Moi j’estime avoir appris beaucoup de choses. Pas forcément les mêmes que les autres », conclut-il.
Quand on lui demande ses faits d’armes – hormis faire le mur – il réfléchit quelques instants et résume : « On ne cassait rien, on ne dégradait pas ». Avant d’évoquer « ce qui a fait le plus de bruit, c’était lors d’une cérémonie de fin d’année. Le concessionnaire du coin avait fait une exposition de quelques modèles de véhicules. Nous avons caché une voiture, une petite, avec l’équipe de rugby ! On l’avait soulevée et déplacée, ça avait mis un peu d’émoi », raconte-t-il.
« Parmi les punitions, il y avait les PS et les PV, les privations de sorties et les privations de vacances. Moi je faisais souvent quelques jours de plus, j’avais oublié quelque chose », lance-t-il en riant.
Pourtant, le cadre strict de l’école militaire semblait lui convenir. Et pour cause. « Moi, c’était la respiration car à la maison c’était encore plus strict. Quand je revenais avec les punitions, ça ne passait pas très bien ». En réalité, Médéric Monestier est surtout un homme qui s’investit beaucoup, et suit son sytème de valeurs. « J’ai pris en charge le bizutage parce que je trouvais que ça ne se passait pas bien. Je préférais m’en occuper, que ça corresponde avec mes valeurs. Aujourd’hui, j’ai une vraie fierté d’avoir fait tout cela ».
Décéptions et grandes manoeuvres
Après le bac, il entre en prépa à l’école Saint Cyr. Il vit alors « deux déceptions ».
Il apprend qu’il ne pourra pas faire pilote de chasse, « la motivation en prépa chute assez vite. Je passe aussi le concours de la Marine marchande parce que je suis un passionné de voile. À 20 ans j’ai un niveau skipper, je peux partir seul en mer… », ajoute-t-il à la liste de ses activités. « Je veux être commandant de la Marine marchande. Je réussis le concours mais il faut des stages pour avancer dans les études. Mon père me conseille de bien regarder : il a peur que je ne puisse pas aller au bout car à cette époque, les pavillons sont étrangers et ne recrutent plus de marins français. J’ai appelé les syndicats qui m’ont confirmé que tout était bouché. Ce que je n’avais pas prévu, ce sont les nombreux accidents qui ont suivi et le retour d’une législation plus forte qui a permis de nouvelles embauches… », dit-il, visiblement déçu de ce mauvais coup du sort.
Médéric Monestier se lance dans mathématiques et l’informatique. Il complète avec une double compétence en économie et gestion obtenue à l’IAE, ce qui lui ouvre les chemins de la finance et de l’économie. Marié à une enseignante, il porte un regard déçu sur le système scolaire français. « Ce qui m’a beaucoup frustré, c’est qu’on m’a toujours dit : si tu n’es pas sage, tu iras en filière professionnelle. C’est très bête parce que je me serais plus éclaté en école pro. Cette vision, c’est dommage pour les élèves mais aussi, pour la France ou notre indépendance stratégique même. »
Il cultive donc une forme de double ambition. « Je me suis dit qu’il fallait que je sois le meilleur techniquement avant de pouvoir faire ce que je voulais ».
« Ce qui m’a vraiment intéressé, c’est que j’ai toujours été positionné et utilisé pour des missions et des problématiques spécifiques, où il fallait réparer, restructurer, relancer. Je ne me suis jamais ennuyé. Ça n’a pas toujours été simple évidemment », lâche-t-il pour résumer sa carrière professionnelle, principalement faite dans la banque.
Reste à comprendre comment ce touche-à-tout a pu aller au bout d’autant de passions. Son éducation y est pour beaucoup…
« Mes parents m’interdisaient de regarder la télé, donc j’avais énormément de temps. Encore maintenant, je ne suis pas très écrans, réseaux sociaux ou autres… ». C’est pour lui un élément fondateur qu’il essaie de transmettre à ses fils. « J’ai aussi des parents qui étaient très engagés, que je ne voyais pas beaucoup. J’étais rapidement dû être autonome, je me débrouillais seul. Quand il faut rentrer d’Autun en région parisienne, à 10 ans, qu’il faut prendre trois trains différents, vous apprenez à vous débrouiller seul. »
Sans écran, gain de temps
Du temps, de l’autonomie, ce sont des ingrédients. Après, il faut de la curiosité et beaucoup d’engagement pour en faire un plat digeste. « Je suis assez curieux, et je suis assez passionné de tout. Il n’y a que l’art pour lequel j’ai un peu de mal. Je suis beaucoup plus technicien, très cartésien : j’adore réparer, bricoler. »
Et le sport dans tout ça ? « J’ai fait tous les sports nautiques. De la voile, du kite surf, de la planche à voire, bref tout ce qui va sur l’eau. Et pas mal de sports collectifs, mais le rugby est celui que j’ai le plus pratiqué », explique-t-il. Médéric Monestier est un actif, donc « pas de sport à la télé, ça ne m’intéresse pas ».
Aujourd’hui, il avoue que c’est plus compliqué, qu’il « travaille beaucoup, voire trop ». « Je continue de faire de la voile, et j’ai un chien, ça me permet de pas mal bouger ».
Il a surtout ses moments d’évasion. « Je fais de la voile en Bretagne, j’adore la Bretagne. J’ai une maison au bord du Belon, là où on fabrique… où on élève les huîtres », s’amuse-t-il. « J’ai la chance d’essayer d’entretenir un vieux bateau en bois, tout en acajou. C’est aussi intéressant, car c’est un vecteur de contact social, beaucoup de gens viennent en parler ».
Il aborde le sujet avec une vraie passion, lisible dans ses yeux et son ton de voix. « Ça a une vie un tel bateau. Il faut tout le temps se poser des questions, il y a tout le temps des problèmes à régler avec de moins en moins de solutions possibles car il y a de moins en moins de corps de métiers, de gens qui savent faire. Il a un vieux moteur des années 60, et régulièrement on se fait des frayeurs avec la personne qui m’aide à l’entretenir, on ne sait pas si on trouvera la pièce… »
Son week-end idéal est un mélange de temps solitaires et en société. « J’aime passer du temps avec mes trois fils ». Ils sont « bien partis pour être ingénieurs, sont très autonomes, et surtout beaucoup plus sages en cours », révèle-t-il dans un rire.
Au cours de ce week-end, « moi, je ne vais pas beaucoup rester en place, je ne vais pas me poser dans le canapé. Ça va être jardinage, bricolage, de l’effort physique aussi avec mon chien, ou prendre la tronçonneuse et faire deux stères de bois ».
Il aime faire la cuisine et la partager en famille ou avec des amis, ce qui lui donner l’occasion de s’échapper pour faire « une ou deux heures de route au volant de ma Mustang. Je pars en Mustang faire le marché, c’est exactement ça », il rit beaucoup, précise que le marché c’est aussi un moment social, parler avec les commerçants, qu’il apprécie. Des moments simples qui contrastent avec d’autres, plus techniques, plus complexes.
Faire face aux défis, Médéric Monestier apprécie. Nous lui demandons si ce n’est finalement pas mieux quand ce n’est pas simple. Il prend un temps de réflexion et souffle un « Oui, on s’ennuie moins ». Ce qui semble bien être l’essentiel.
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