Bonus / Chronique :
Obséquieusement vôtre... (2nde partie)
PUBLIÉ LE 8 Avril 2019
En avril, suite et fin de la chronique de Lucas FORTUIT sur les contrats obsèques. La première partie est à lire ici.
Je ne m’explique pas la décision unilatérale de cet offreur d’assurances de rompre la relation client, n’ayant point déménagé, ni exigé qu’il cesse de déforester la planète à nos dépens et ce, sans m’en avertir par voie épistolaire, à nouveau.
J’aurai aimé, qu’après tant d’années de drague, l’émetteur me manifeste son « nous ne sommes pas faits pour contracter », voire qu’il exprime son « ras-le-bol », suite à mon silence, somme toute discourtois…
J’imagine que leur data scientist a conclu à mon décès, résultat d’un algorithme savant « big daté », pour cesser toute relance à mon endroit depuis que sa compagnie s’est convertie au tout web-digital !
Sans doute est-ce le fait d’avoir cherché, un jour, sur Internet, le prix de pompes (à vélo) ou celui d’un cercueil en sapin bio pour l’un de mes proches ! Ce qui m’aurait valu d’être exclu définitivement du fichier des prospects par ricochet et à leur insu, de plus. Je ne doute pas que l’actuaire qui m’a enregistré anonymement dans sa grappe (un cluster en langage actuariel) n’ait abandonné la partie dès que les vocables « pompe » et « cercueil », chèrement acquis auprès d’un hébergeur cloudien, sont parvenues jusqu’à son site robotisé, via un des GAFA…
Pour preuve, je suis harcelé, depuis, de réclames vantant les bicyclettes électriques et la crémation low-cost, entre autres joyeusetés à masquer ou à dénoncer…
Je croyais enfin avoir droit à l’oubli de mon vivant, question obsèques, s’entend. Une disposition historique que les pouvoirs publics essaient de transformer en droit en assurance de personnes. Mais, concomitamment, j’ai reçu via Internet, quelques mois plus tard, une proposition concurrente d’un comparateur, accompagnée de la photo de deux jeunes seniors (botoxés, c’est sûr) souriant à la vie, à plein dentier, heureux de jouir d’un contrat du genre, j’imagine. Les web-marketeurs n’ont pas eu, quand même, la délicatesse de me mettre en scène dans leur publicité en compagnie de la seniora en extrayant mon portrait de l’imagerie d’un réseau !
Mais, ça start-uppera un jour, je le pressens…
Que conclure de cette saga assurantielle, de plus d’un quart de siècle, aux relents funèbres ?
Tout d’abord, soulignons la créativité des assureurs d’avoir réussi à populariser un produit d’assurance sur la vie complexe fortement chargé en émotion et également en frais de gestion récurrents ; le souscripteur ignorant que la majeure partie de sa cotisation sert à financer les frais d’acquisition et de distribution du contrat et les cadeaux publicitaires attachés. Comme chacun sait, il faut taper sur le clou du cercueil pour que le mortel admette comme inéluctable son passage sur terre !
Partir l’esprit tranquille sachant qu’on aura droit à des funérailles n’a pas de prix. Mais, dans ce cas, par réciprocité, n’oubliez-pas de prévenir les bénéficiaires de votre initiative… Il ne manquerait plus qu’ils remettent au pot (de fleurs) en pure perte. Après tout, ça vaut le coût de souscrire un contrat obsèques quand on ne meurt qu’une fois dans sa vie…
Deuxièmement, présageons que ce produit soit susceptible de compter encore de nombreux adeptes à l’avenir avec l’ajout de services complémentaires lucratifs. Je pense à l’offre d’emplacement dans un cimetière virtuel de son choix, avec hologrammes, vidéos et tutti quanti par exemple. Avec entre autres, à l’instar des Petits déjeuners Off de La Lettre de l’Assurance, mes fleurs préférées et une playlist des musiques qui ont bercé mon adolescence…
Ce qui permettrait de résoudre, en même temps, les problèmes d’embouteillage dans les concessions perpétuelles et de vous rendre visite sans avoir à se déplacer, parole de croque-mort !
Enfin, pour terminer, vous l’aurez deviné, il ne faudrait pas prendre les vessies du « cross-clouding » pour des lanternes à faire du canal-selling ciblé à forte corrélation, les choix des mortels étant difficilement interprétables à distance et certains d’eux, internautes bons vivants sont aussi des farceurs impénitents…
Pour ceux et celles qui douteraient encore de cette dichotomie existentielle, rappelons que selon une enquête ODOXA, près de trois français sur quatre jugent les assurances affinitaires chères, pas faciles à comprendre, pas claires et peu transparentes !
Allez comprendre !
Lucas Fortuit
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