PORTRAIT :
Thierry Beaudet,
berger militant

Thierry Beaudet, président de la FNMF et du groupe VYV, sera l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 8 février 2018. Déjà invité le 5 novembre 2015, alors qu’il était candidat non déclaré à la présidence de la FNMF, nous avions réalisé son portrait. Le voici.

Thierry Beaudet nous reçoit dans son bureau à la vue imprenable sur l’ouest parisien du septième étage du siège de la MGEN, dans le quartier Montparnasse. Dans ce matin gris d’octobre, le brouillard ternit Paris et on aperçoit à peine les jambes de la Tour Eiffel.

Le président de la MGEN, costume chocolat et chemise blanche, arbore une barbe poivre et sel bien taillée. Il a 53 ans (né en avril 1962, il a aujourd’hui 55 ans) et l’air un peu fatigué : « Hier j’ai couru Marseille-Cassis avec 50 collaborateurs de la MGEN au départ de la course. C’était très sympa ». Thierry Beaudet pratique la course à pied « pour se défouler » deux fois par semaine.

Derrière lui, une peinture accrochée au mur annonce la couleur. L’œuvre d’un artiste de rue belge, aux tons rouges, représente des manifestants portant une bannière : « Il n’y a de révolution que là où il y a conscience. J. Jaurès ». « C’est un cadeau de mon ami Jean-Pascal Labille, président de Solidaris Mutualité, qui l’avait dans son bureau. Je restais en admiration devant ce tableau et il me l’a offert. J’aime bien Jaurès, j’ai adoré ce rouge, l’idée de la lutte ». Rires.

Fils d’une aide-soignante et d’un employé de banque, Thierry Beaudet grandit dans l’Orne et passe ses vacances à cavaler dans les fermes de ses oncles et tantes en Normandie. Après des études de Lettres à l’école normale, il devient instituteur. « Mes parents étaient TRÈS fiers de moi ».

Instituteur en campagne

Thierry Beaudet débute en milieu rural, seul dans l’école, avec des classes doubles, à vivre aux côtés des élèves, en totale immersion. « Les mômes de trois villages différents arrivaient le matin en car, je les accueillais, je déjeunais avec eux. Je les retrouvais en plus dans l’école de football le mercredi et le samedi après-midi pour le match. J’adorais ça ».

« Je ne sais pas si ça va faire très moderne ce que je vais dire, mais quand on est instituteur, il faut que les élèves aient envie de venir à l’école. Pour qu’ils passent une bonne journée, il faut que l’instituteur ne fasse pas la gueule, qu’il soit gai, tonique, etc. ». Le contact avec les gens, Thierry Beaudet adore ça ! « Mes proches disent que j’aime bien les gens et que j’aime bien que les gens m’aiment bien ». Rires.

De cette expérience en tant qu’enseignant, Thierry Beaudet tire le goût de la transmission. « Allez, je m’accorde une qualité : je crois que j’ai le sens de la pédagogie, devant les élèves, devant le conseil d’administration, devant les équipes… J’essaie d’ordonner les idées, de me faire comprendre, etc. Je me donne physiquement ! J’ai envie d’embarquer, de convaincre, de transmettre ».

L’éducation, l’éducation et l’éducation

Embarrassé de devoir se raconter, Thierry Beaudet joue avec ses mains : ses doigts s’entrelacent, se séparent, se rejoignent. Tout son corps est au service de son discours. Il est beaucoup plus à l’aise pour parler de ses convictions : « Quand on est un peu éduqué et un peu cultivé, on est un peu moins idiot et on vit un peu mieux avec les autres. L’éducation est très importante, dans le monde actuel qui a tendance à se renfermer et à laisser la place à l’intolérance. »

Après sept années face aux élèves, « j’ai senti que je pouvais faire autre chose, mais honnêtement je n’ai pas calculé ». Impliqué dans sa petite ville de l’Orne, Thierry Beaudet est à la fois entraîneur de foot, conseiller municipal et responsable de l’action culturelle.

A 29 ans, il se retrouve secrétaire général de la Fédération des Œuvres Laïques de l’Orne et directeur de l’association (1991-1998). Dans le monde de l’éducation populaire, il se sent comme un poisson dans l’eau.

Il découvre la Mutualité en 1998, quand il devient directeur adjoint de la section MGEN du Calvados jusqu’en 2003. « J’ai liquidé des feuilles de soins, je me suis occupé de la mise en place de la télétransmission, etc. J’ai vraiment découvert la MGEN par le concret, par le terrain », explique-t-il.

Le hasard des rencontres et une forte motivation

En 2003, il est élu dans le conseil d’administration national, auprès de Jean-Michel Laxalt, qui lui prépare un parcours sur-mesure pendant six années : au début sur le terrain, et ensuite dans une phase de développement. Le hasard des rencontres et une forte motivation ont guidé Thierry Beaudet dans les différents échelons de la MGEN jusqu’en devenir président en 2009.

« Je pense que j’ai été élu parce que mon prédécesseur a bien préparé le terrain », avance-t-il, rendant une nouvelle fois hommage à Jean-Michel Laxalt. L’arrivée de Thierry Beaudet marque une première rupture pour la MGEN : c’est la première fois qu’un président « est un ‘pur produit’ maison », ponctue-t-il.

Dans le monde concurrentiel actuel, le défi pour Thierry Beaudet est de faire évoluer la MGEN pour ne pas perdre le fil de l’histoire, sans s’aligner sur des pratiques concurrentielles agressives qu’il condamne. « Depuis que je suis là, il y a eu des transformations importantes. J’ai renforcé les partenariats avec la création d’Istya, on a profondément changé les offres, l’organisation. J’ai conduit un certain nombre de transitions, mais je n’ai pas été le président du statu quo et parfois il a fallu mouiller la chemise », dit-il en bon sportif.

Un cadeau à double tranchant

Quand on lui demande des explications, Thierry Beaudet se lève tout enjoué pour nous montrer un objet sous verre auquel il tient beaucoup. « C’est un makhila, un bâton traditionnel basque, que Jean-Michel Laxalt, qui est basque, m’a offert lors de mon élection à Biarritz en 2009. Sous le pommeau, se cache une dague, car le makhila est la fois un bâton de marche et une arme défensive qui était utilisée par les bergers. C’est devenu dans une certaine tradition basque un objet que l’on remet dans les grandes occasions. On peut y lire : ‘Elkor bide bihotz bero’ et la traduction en français : ‘Ensemble sur le chemin, poursuivons le cœur ardent ».

Et de chemins et de troupeaux, le berger Beaudet ne semble pas manquer pour les années à venir.

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