Série Covid-19 :
Face à une épidémie, faut-il appliquer les plans ?
PUBLIÉ LE 30 Juin 2020
Quel était le plan ? Était-ce un bon plan ou bien un mauvais plan ? Comment planifier une réponse à l’inconnu ? Dans ce septième épisode de la série Covid 19, Régis de LAROULLIÈRE et Jérôme CABOUAT parlent de plans, d’organisation mais aussi de mémoire.
Après un épisode dédié à l’hydroxychloroquine, la série se poursuit pour encore deux semaines.
Le 23 février, le Coronavirus ayant franchi nos frontières, le stade 1 du plan Orsan REB est déclenché. Le discours est rassurant. Le guide méthodologique Covid 19, publié le 20 février par le Ministère de la Santé, détaille la préparation des établissements de santé, de la médecine de ville et des établissements médicaux sociaux. On y lit tout ce que l’on « doit » faire, mot utilisé plusieurs dizaines de fois, par exemple : « Chaque établissement de santé doit s’organiser afin de disposer d’un stock, …, ce stock doit être suffisant pour absorber une éventuelle montée en puissance, … », et en synthèse « le risque de propagation du SARS-CoV-2 au sein du territoire français est actuellement considéré comme faible (souligné dans le texte) si (souligné par les auteurs) les cas confirmés sont détectés précocement et que des mesures de contrôle adéquates sont mises en place immédiatement ». Manifestement, des plans existent.
La montée en puissance du système hospitalier, la libération de lits, l’augmentation des capacités de réanimation, la gestion de leur remplissage et la redistribution des malades en cas de saturation ont été globalement une réussite au regard du traitement des victimes hospitalisées. Pour ce qui est par contre de la disponibilité des équipements de protection ou de la détection précoce des cas, les prescriptions du guide méthodologique n’ont pas pu être respectées. Mais pouvaient-elles l’être en l’état des équipements et moyens de test accessibles, et des procédures sanitaires déployables ?
Quoiqu’il en soit, les pouvoirs publics ont suivi le déroulement du plan, stade après stade, égrenant tous les soirs à partir du confinement les chiffres du remplissage des hôpitaux et de leurs capacités de réanimation, ainsi que le nombre de décès. Le reste semblait ne plus exister. Il n’y a pas eu en France de mobilisation de la population pour la bataille du stade 2, qui aurait permis de ralentir et limiter la progression de la Covid-19, et d’atténuer fortement la rigueur et les dommages du confinement. Et le plan prévoyait qu’après le stade 3 venait le retour à la normale. En l’absence de traitement efficace reconnu ou de vaccin, et avec un virus circulant encore dans une population non immunisée collectivement, a été conçue « la reprise progressive d’activité », dont on espère qu’elle ne sera pas remise en cause par un « rebond », pas prévu non plus dans les plans initiaux.
Qui plus est, les dimensions économique, sociale, humaine et sociétale de la crise n’ont semblé découvertes qu’à mesure qu’elles prenaient de l’ampleur. Suggérons que les plans soient très largement complétés lorsque viendra l’heure de leur révision. Mais ceci ne pourra suffire.
Tout d’abord, on ne peut pas tout prévoir. La prochaine épidémie concernera-t-elle les poumons et sera-t-elle transmissible par les voies respiratoires ? Sera-t-elle plus sévère ? L’épidémie H1N1 peut être qualifiée par son ampleur de décennale, l’épidémie de la Covid-19 de centennale, mais que serait une épidémie millénaire, cinq fois plus contagieuse que la Covid-19 comme l’est la rougeole, et de 10 à 30 fois plus létale comme le fut la grande peste du XIVème siècle ? Ce n’est pas parce qu’une épidémie sera qualifiée de millénaire qu’elle se produira dans mille ans, elle peut se produire l’année prochaine…
Ensuite, la Covid-19 nous rappelle qu’il y a une obsolescence de la mémoire. Ce qui était bien connu et pris en compte il y a vingt ans s’oublie progressivement, notamment car les personnes changent. Il y a aussi une démonétisation des Cassandre : les risques éloignés, à force d’être invoqués sans se réaliser, ne sont plus pris au sérieux. Et puis, la protection contre les risques a un coût, qui nécessite des arbitrages. Quel est le bon dimensionnement de la protection ? Est-ce celui qui permet de faire face à la pandémie bi-centennale, en s’inspirant de la norme Solvabilité II ? Enfin, chaque grande épidémie s’inscrit dans un contexte économique et culturel différent, appelant des réponses différentes.
Ainsi, plutôt que d’avoir « le bon plan », ne serait-il pas préférable de savoir réagir de façon appropriée et dans l’urgence ? Ce serait alors une question de préparation et d’entrainement. La préparation peut se faire en construisant des plans, non pas tant pour les appliquer que comme exercice d’entraînement à la mise en œuvre d’une méthode de réaction, et en en testant le réalisme et le caractère approprié par des exercices de mise en œuvre et en regardant ce qui se passe ailleurs. Disposer des professionnels qui savent faire, à chaud et dans l’urgence, comme un pompier ou un militaire bien entrainé sait se comporter sur le terrain et face au feu dans une situation toujours nouvelle, ne serait-il pas la principale clé de la réussite ?
À suivre …
Régis de LAROULLIÈRE est ancien directeur général de MÉDÉRIC, et conseil en stratégie et gestion des risques
Jérôme CABOUAT est conseil de direction, spécialisé dans la dynamisation et la sécurisation des grands programmes de transformation
Toute la série est à retrouver dans la page sommaire
Réflexion n°5 : La distanciation ou les masques face à la Covid-19 ?
Réflexion n°6 : L’hydroxychloroquine, oui ou non ?
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