Série Covid-19 :
La distanciation ou les masques face à la Covid 19 ?
PUBLIÉ LE 22 Juin 2020
Après avoir étudié la dimension humaine retrouvée du fait de la crise sanitaire, Régis de LAROULLIÈRE et Jérôme CABOUAT s’intéressent aux réponses préventives.
Ils poursuivent la série sur les enseignements et les questionnements que la crise du Covid-19 ont mis en lumière.
Le 16 mars, le président de la République annonçait le confinement généralisé.
Le 19 mars, le Premier ministre et le ministre de la Santé expliquaient, graphique à l’appui : on ne pouvait laisser l’épidémie continuer de s’emballer, cela provoquerait rapidement un très grand nombre de morts et l’engorgement des hôpitaux et des services de réanimation. Ils présentaient le pic épidémique. Il était trop haut, il fallait ralentir la progression de l’épidémie et lisser dans le temps le nombre de malades et de victimes.
Quelle était la hauteur du pic, à quel niveau le réduire, combien de temps prendrait le lissage dont l’achèvement nous permettrait de reprendre une vie normale en bénéficiant de l’immunisation collective ? Pas de chiffres sur le graphique.
Certains se risquent à faire leur estimation. Le Coronavirus arrêterait de se propager après avoir contaminé 70% de la population et provoqué la mort de 1% des contaminés. Cela ferait 45 millions de contaminés, et 450.000 victimes dans les semaines à venir. Les études officielles diront 300.000 pour l’Angleterre, validant l’ordre de grandeur. On comprend la décision d’étaler le pic.
Pour ne pas saturer les capacités des services de réanimation, doublées depuis janvier, on ne peut y dépasser 10.000 personnes simultanément ; cela correspondrait à un ordre de grandeur de 450 morts par jour, et de 1.000 jours de lissage avant le retour à la normale. Mais le confinement, qui ne peut pas économiquement et humainement durer aussi longtemps, va de toutes façons casser rapidement l’épidémie, comme en Chine. Une évidence s’impose : le scénario « scientifique » du lissage qui nous a été présenté ne peut pas être la référence pour ce qui va se passer. La vie devra reprendre alors que le virus circulera toujours. La confiance dans les pouvoirs publics s’effrite.
Dès lors, on s’interroge : en l’absence de traitement efficace reconnu et de vaccin, comment faire au travail, dans les transports en commun, dans les magasins, à l’école pour éviter la reprise des contaminations lors du déconfinement ? Le rapprochement physique qui l’accompagnera ne sera possible qu’avec des protections efficaces. La comparaison est faite avec le VIH : la distanciation a été le point de passage obligé, le temps d’identifier les comportements et barrières efficaces, qui utilisés à bon escient permettent la reprise d’une vie normale dans ses autres aspects. Pour la Covid-19, qui se transmet par la toux, la salive et les mains, après la distanciation physique extrême du confinement, voire de l’isolement, c’est le masque surtout qui permet la reprise d’activité. Nous constations au demeurant que tous les pays qui luttent efficacement contre le Coronavirus utilisent massivement des masques.
En France, nous n’avions pas assez de masques. Les réserver par priorité aux personnels hospitaliers et non hospitaliers les plus en contact avec les personnes contaminées était compréhensible. Mais pourquoi ne pas l’avoir dit, en commandant d’urgence en quantité des masques aux normes pour les autres et en incitant chacun à fabriquer son masque de fortune dans l’attente ? Certes, pour protéger les personnes les plus en contact ou à risque, il faut des masques bloquant la quasi-totalité des retransmissions. Mais pour une épidémie dans laquelle une personne contaminée en contamine 3, diviser par 4 la retransmission permet d’éteindre la circulation du virus. Un masque bloquant la moitié des retransmissions porté par chacun suffit, et les masques dits grand public en bloqueraient 70%.
Une telle approche aurait massivement contribué à réduire les effets de l’épidémie, dans ses trois dimensions (sanitaire, économique et sociale, et humaine et sociétale), surtout si elle avait été mise en œuvre dès le déclenchement du stade 2 : elle aurait permis de réduire la progression du virus au plan sanitaire, de beaucoup moins réduire l’activité économique lors du confinement, et de mobiliser la population, ce qui est pédagogique et humainement rassurant. Une logique « tous mobilisés en première ligne contre la progression du virus avec les hôpitaux en appui des victimes », plutôt que « tous aux abris en troisième ligne et les hôpitaux en première ligne » en quelque sorte.
Progressivement, et malgré les affirmations répétées des pouvoirs publics, les citoyens et les entreprises se sont persuadés que les masques étaient nécessaires. Ils ont fait plier les élus, qui ont fait plier les scientifiques, même si certains ne semblent toujours pas convaincus. Les citoyens ont du bon sens ! Ainsi, au-delà de la distanciation, nécessairement limitée dans le temps, les masques dans le cas de la Covid-19, et plus généralement les barrières physiques, sont indispensables pour toute épidémie à caractère contagieux, dès le stade 2 et aussi longtemps que rôde le virus.
À suivre …
Régis de LAROULLIÈRE est ancien directeur général de MÉDÉRIC, et conseil en stratégie et gestion des risques
Jérôme CABOUAT est conseil de direction, spécialisé dans la dynamisation et la sécurisation des grands programmes de transformation
Toute la série est à retrouver dans la page sommaire
Réflexion n°3 : Un impact économique et social inouï ?
Réflexion n°4 : Une dimension humaine redécouverte ?
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